Chief Happiness Officer (et le bonheur au travail) … chimère ou réelle nécessité ?

Dans le monde professionnel et sur la toile et, de plus en plus, est répété inlassablement que la voie à suivre actuellement en matière d’organisation du travail est le bonheur, la bienveillance et la gentillesse. Parfois (pour ne pas dire souvent), ces éléments sont présentés comme les seules clés de la performance en entreprise. Cette nouvelle réalité part du concept vérifié qu’un employé épanoui et heureux se traduit immanquablement par une rentabilité accrue. L’objectif est de faire en sorte que l’ambiance au bureau, les relations professionnelles et le cadre de vie de l’espace de travail deviennent le cœur des préoccupations de chacun.

Le Chief Happiness Officer (CHO).

De cette recherche effrénée du bonheur au travail, est né un nouveau métier  : le Chief Happiness Officer (CHO).
Cette nouvelle fonction que l’on peut traduire en Français par « Directeur Général du Bonheur » est tout d’abord apparue dans les start-up nord-américaines. Petit à petit, la fonction a fait son apparition dans notre vieille Europe et se développe désormais en tant que métier à part entière.

Le responsable du bien-être au travail a donc pour mission de s’assurer que

  • chaque salarié soit bien dans sa fonction et dans sa tête,
  • ses relations avec ses collègues et sa hiérarchie soient harmonieuses et
  • chaque salarié s’épanouisse dans ses missions.

A lui/elle de faire en sorte que le bonheur, à défaut le bien-être, règne dans son entreprise et que chacun ait plaisir à venir travailler.

L’idée en soi est excellente.

Car en effet, un employé épanoui sera, sans aucun doute, plus épanoui et donc plus performant. C’est évident !
C’est d’ailleurs aussi un argument indiscutable pour attirer et surtout garder les « talents ».

Néanmoins, ne faut-il pas se poser la question de la pertinence et de l’honnêteté (intellectuelle) de dédicacer à une seule personne la création et la gestion du bien-être dans l’entreprise ?

En effet, quel pourrait être l’efficacité d’un CHO dans une entreprise dans laquelle le management est déficient … ?

Une autre réflexion philosophique est de savoir si le « bonheur » a réellement sa place au travail. Ne devrait-on pas plutôt se préoccuper de bien-être, d’épanouissement et de respect …

Là se trouve le cœur du problème …

Le travail du CHO ne pourra être effectif et porter ses fruits que si le management intègre déjà, dans ses propres valeurs et dans ses principes de fonctionnement journaliers, la bienveillance et le respect.

Et dans ce cas, très probablement, l’entreprise gérée de cette façon offrira déjà, de façon naturelle, une ambiance de travail agréable et valorisante, rendant donc inutile la mise en place d’un CHO :-).
La mise en place d’un CHO ne pourra donc réellement porter ces fruits que si il y a, au niveau de l’ensemble du management, une vraie cohérence entre attitude affichée (désir de bien-être) et attitude effective (indifférence par rapport au sort des employés) !

En effet…

Trop souvent, pour les entreprises, la mise en place d’un CHO n’est qu’un atout « marketing » qui valorise leur image de marque en montrant leur volonté et leur capacité théorique à gérer la gestion des émotions au travail.

C’est également trop souvent un moyen de désamorcer la critique interne : plus le management est bienveillant et moins les salariés auront de légitimité à critiquer l’organisation interne.

Le CHO … une hypocrisie et un constat d’échec du management ?

Et bien, à mon humble avis, trop souvent oui !

Pour que le management (et le leadership) puisse réellement être qualifié de performant (càd pour que cela marche dans la durée …), c’est à chaque manager de faire preuve d’humanité (bienveillance, empathie, IE, … et tous ces termes à la mode). En d’autres mots, la direction et la hiérarchie doivent être convaincues de la pertinence de cette approche et surtout déjà l’appliquer eux-même au quotidien.

Si ce n’est pas le cas, déléguer cette attitude à une seule personne chargée de palier au déficit de la hiérarchie ne solutionnera rien. Que du contraire, c’est la porte ouverte à tous les excès (et cela en toute légitimité puisqu’il y a un CHO !).

La mise en place d’un CHO n’est donc souvent qu’un « emplâtre sur une jambe de bois » … Inutile, vain, inefficace, hypocrite, …

Ce que j’en pense …

Le malaise et la souffrance au travail sont des réalités de notre époque. Le nombre jamais égalé de burn-out atteste de l’ampleur et de la complexité du problème.

Combattre ce fléau ne pourra être efficace que si on s’attaque au causes profondes du mal. De façon schématique, l’épuisement professionnel est principalement la conséquence de deux dimensions :

  • organisationnelle : la surcharge de travail, le rythme effréné des tâches à effectuer, la pression du temps, la dictature des chiffres, les horaires longs et imprévisibles, le travail monotone et peu stimulant, emploi précaire (CDD renouvelé année après année), …
  • interpersonnelle : des relations professionnelles déséquilibrées et/ou injustes, des conflits ouverts ou latents avec la hiérarchie, …

Voila donc les éléments sur lesquels il faut agir afin de ramener une saine ambiance au travail (et je n’ai pas encore parlé de bonheur :-)). On voit aisément que les causes du mal-être au travail est très souvent la conséquence de la déshumanisation de la structure et du management.
Un CHO pourra probablement aider … mais il me semble utopique de penser que cela suffira. Ce n’est souvent qu’un leurre car c’est tout le management et toute la hiérarchie qui doivent être impliqués et qui doivent être éduqués vers plus d’humanité.

Facile à dire … mais pas si simple …

La bienveillance la solution à tous les problèmes ?

Oui, la bienveillance et les qualités associées sont indubitablement devenues des composantes indispensables d’un leadership moderne. En effet, aujourd’hui, sous peine de ne plus être accepté, celui-ci sera « humain » (ou ne sera pas/plus).

Mais se limiter à cet axe uniquement nous amène peut-être à négliger les autres composantes d’un leadership efficace et efficient. Personnellement, je pense que le cœur du leadership sont les notions de vision, mission et d’objectifs.

Celles-ci définissent la ou le leader veut et doit amener ses collaborateurs et donnent un sens à l’ensemble des actions entreprises au travail. Cependant, parfois atteindre un objectif, implique certaines contraintes et certaines obligations. Et pour cela la gentillesse et la bienveillance risquent de ne pas nécessairement suffire …

En effet, être un leader demande très souvent bien plus que d’être simplement gentil et bienveillant (ou d’être « apprécié/aimé »).
A ce titre, j’ai vraiment apprécié les deux articles suivants. Ils sont pleins de nuances  … A lire et à relire …

Le vrai leadership

Selon moi, le vrai Leadership ne trouve pas sa réelle source et sa force dans l’amour et/ou la gentillesse/bienveillance mais bien dans le respect (le vrai … celui que l’on suscite et pas celui que l’on impose …) et la confiance. Néanmoins, il est vrai, qu’une partie de ce respect et de cette confiance se gagnera par la bienveillance et l’intelligence émotionnelle  (celles-ci seront les ciments d’un leadership « vrai » et « durable »). Mais l’autre partie sera la conséquence de la compétence, autre composante incontournable d’un leadership durable.

J’aimerais éclairer mes propos en vous invitant à relire un de mes anciens articles via lequel j’ai essayé de vous présenter les trois composantes de base d’un leadership fort : Diriger et conduire une équipe : un regard vers soi-même

Cet article présente le modèle « Be-Know-Do », en d’autres mots : « Etre-Savoir-Agir ». Il présente de façon très simple les trois domaines (et les caractéristiques ou conditions génériques) permettant de faire d’un chef militaire (quelque soit son niveau ou son grade) un bon leader apte à conduire des hommes (et des femmes :-)). Ce modèle à priori « militaire » est, selon moi, parfaitement transposable dans le milieu de l’entreprise ou les enjeux sont parfois aussi « vitaux ».

De façon simpliste, au niveau professionnel, vous gagnerez le respect et la confiance de vos collaborateur si :

  • votre personnalité et votre attitude (ETRE),
  • votre compétence professionnelle (SAVOIR)
  • votre volonté et capacité d’agir (AGIR)

correspondent à ce qu’attendent vos collaborateurs (au moment « t » => le  leadership est donc aussi « situationnel » :-)).

Et la bienveillance la dedans ?

Elle se situe principalement dans le « BE » et un peu dans « Know » (compétences interpersonnelles). Elle ne constitue qu’un des éléments d’un leadership « durable » et efficace.
Cependant, cette bienveillance n’est pas à négliger puisqu’elle sera le ciment et la colle indispensables à un leadership humain et efficace.

N’hésitez pas à critiquer/commenter cette approche. Donner vos avis car c’est cela qui fait progresser la réflexion.
De l’échange naît la richesse.

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