Le management collaboratif part du principe que l’humain peut contribuer à la performance de l’entreprise, avec pour préceptes fondateurs la confiance, la liberté de choix, la coopération et la convivialité. Il s’agit de libérer l’entreprise d’un fonctionnement hiérarchisé. Le travail collaboratif est certainement un des moyens les plus performants pour atteindre des résultats que seul on ne pourrait même pas espérer. En effet, si tous ses membres parviennent à combiner leurs compétences, partager les responsabilités et trouver le bon niveau d’engagement, l’entité créée sublimera les performances individuelles. Sans être aisé à obtenir, c’est relativement évident … plus vraiment nécessaire de le démontrer.
Par contre, ces équipes a priori hyper performantes peuvent elles aussi connaître leurs petites failles qui vont grever leur perspicacité et leur faire prendre des décisions « discutables ».
Une de ces failles a été mise en avant par le sociologue Jerry Harvey (Professor Emeritus of Management at The George Washington University) qui a longuement étudié le processus de la prise de décision au sein d’un groupe. Il s’agit du paradoxe d’Abilène qui illustre à merveille la difficulté d’un groupe à prendre une décision et gérer collectivement son accord.
Dans la fable moderne que propose Jerry Harvey dans son ouvrage « The Abilene Paradox and Other Meditations on Management« , aucun des quatre membres d’un groupe (famille) ne souhaitait se rendre à Abilene mais, par crainte de s’offenser et de se contredire mutuellement, ils y finissent tous !
la petite histoire …
Quatre adultes, un couple marié et les parents de la femme, sont assis sous un porche dans une chaleur abrutissante dans la petite ville de Coleman, au Texas, à environ 53 miles d’Abilene. Ils sirotent tristement de la citronnade, observant le ventilateur souffreteux et entamant de temps à autre une partie de domino. À un moment, le père de l’épouse suggère qu’ils se rendent à Abilene pour se restaurer dans une cafétéria. Le gendre pense que c’est une idée folle mais n’ose pas contrarier sa femme qui voit si peu ses parents. Les deux femmes ne semblent pas opposées à cette idée et voilà tout ce petit monde entassé dans une Buick sans air climatisé, qui soulève sur le chemin des nuages de poussière. À Abilene, ils mangent un déjeuner médiocre dans un endroit glauque et reviennent à Coleman épuisés, suants, et peu satisfaits du périple. C’est une fois de retour à la maison qu’ils se rendent comptent qu’aucun d’eux n’avait vraiment voulu aller à Abilene. Le beau-père l’avait proposé sans réelle conviction et les autres l’avaient accepté juste parce que chacun avait pensé intérieurement, sans le vérifier, que les autres étaient désireux d’y aller.
La principale leçon à en tirer est que, dans certaines conditions, une équipe ou groupe peut entériner des décisions par consensus alors qu’en fait, aucun des participants ne soutenait réellement la proposition initiale (et aucun n’aurait voté pour elle par bulletin secret). En d’autres mots, l’équipe fait des choix qu’aucun membre de l’équipe n’aurait fait lui-même et ses membres adoptent cette position car ils croient que les autres membres aimeraient qu’il en soit ainsi. Ils veulent plaire aux autres, éviter un conflit, ne pas s’exposer et finalement cherchent naturellement le consensus.
Ce genre de déviation peut aussi arriver dans des équipes à priori performantes qui, parfois, peuvent se laisser « endormir » et, de la sorte, prennent ou laissent prendre des décisions discutables simplement parce que personne ne veut ou n’ose arrêter le train en marche.
L’exemple précité démontre donc que déjà dans un groupe équilibré dans lequel, a priori, chacun ose s’exprimer librement, le réel consensus (celui qui satisfera tout le mode) n’est pas toujours évident à obtenir. Que dire alors d’un groupe ou relations hiérarchiques et rivalités et rancœurs perturbent les relations inter-personnelles ?
Ce qui est dit n’est pas toujours ce qui est vraiment pensé … L’analyse du non-verbal pet aider et éclairer certaines attitudes … Mais attention un consensus apparent peut cacher une situation tout à fait différente.
Le chef d’équipe, de projet, de bureau, … doit être conscient de ce risque et a intérêt à susciter les réactions si celles-ci ne viennent pas spontanément. Car parfois, ce n’est pas toujours parce qu’ils sont d’accord que les membres de l’équipe se taisent ou entérinent passivement une proposition …
Juste en être conscient …